François Le Masne
Thérapie et relation d'aide

L'Histoire de la famille (épisode 3)


J’aborde régulièrement dans ce blog des épisodes de la grande Histoire de la famille. Ce que nous apprend l’Histoire c’est que nos comportements - en tant qu’hommes, en tant que femmes et en tant que parents – sont imprégnés de ceux de nos ancêtres.

Vous l’aurez compris cet angle de vue historique est intéressant comme piste de compréhension et de réflexion sur qui nous sommes et d’où s’originent nos fonctionnements.

Nous avons l’habitude souvent dans l’approche thérapeutique de nous pencher sur la psycho-généalogie de notre famille, j’aimerais vous inviter à ouvrir encore plus large et plus loin notre champ de vision :

Pour ce trpoisièmeième épisode, nous allons nous pencher sur la famille et les relations homme-femme avec l'avènement de la Chrétienté.

L’ère chrétienne et la paternité spirituelle

Dieu le père

Avec l'avènement de l'ère chrétienne, apparaît, la proclamation du Dieu unique, masculin et père. Exit les figures divines féminines. Dieu est à la fois père et fils, dans le nouveau testament, et, en tant que fils, il s'est incarné parmi les hommes. Il y a donc là encore exaltation du caractère divin de la paternité.

Si, chez les Grecs, à coté de Zeus, père des dieux et des hommes, régnait Déméter, déesse mère, aucune figure féminine ne règne à côté du Dieu unique des Chrétiens. Il est non seulement appelé « Dieu le père » mais il est le créateur de l'univers.

Dans l'ancien testament la référence à Dieu le père est peu fréquente mais ce concept est fortement proclamé par le nouveau testament. Dieu est père et il offre son fils, Jésus, aux hommes jusque dans la mort. Dieu montre là la preuve décisive de son amour pour les hommes. Le lieu de rencontre avec Dieu, le lieu d'échange de l'amour, c'est l'Esprit qui prime sur le corps.

L’esprit au-dessus du corps

La vie spirituelle comme possibilité de rencontre de Dieu est placée au-dessus de la vie terrestre. Le Jésus des Chrétiens n'engendre pas, il enseigne - plaçant l'œuvre spirituelle au-dessus de l'œuvre terrestre.

Il découle de cette vision que des trois fonctions paternelles - de reproduction biologique, d'éducation et de transmission des biens - c'est l'éducation qui est supérieure. Et parmi tous les aspects de l'éducation, l'éducation spirituelle. Jésus lui-même rappelle à plusieurs reprises que c'est la paternité spirituelle qui prévaut sur la paternité biologique.

L'esprit est placé en opposition au corps et au-dessus du corps. Le célibat consacré, la chasteté sont prônés. Pour les femmes, deux figures féminines Eve et Marie sont mise en opposition.

Du côté d'Eve, mère du genre humain : le désir, le plaisir et le péché originel. Elle nait d'un os surnuméraire d'Adam, pour être sa compagne, ce qui informe sur sa place par rapport à l'homme.

Du coté de Marie, la virginité, la pureté, la fécondité dans la chair mais par l'Esprit. Elle est l'élue de Dieu. Elle est l’image de l’abnégation maternelle qui est l’idéal que toute femme devrait viser.

Pour autant le culte de Marie et de l’Immaculée Conception, tel que nous les connaissons n’existent pas aux origines du Christianisme. En tant que dogme, c’est une invention du milieu du XIXe siècle. Avant cela, le concept est proposé comme élément de doctrine en 1439 pour dire que Marie était pure de tout péché pour enfanter Jésus. Ce qui induit que l’acte sexuel est perçu comme impur.

Le mariage, institution sacrée

Le mariage n'est plus vu uniquement comme une structure sociale comme c'était le cas dans l'Antiquité. Bien que cela reste l’institution de base de la structure sociale. Ce n'est pas seulement le lieu de la reproduction, c'est le moyen d'éviter ce qui est considéré comme fornication et péché.

Saint Paul dit : « il vaut mieux se marier que bruler ».

L'idéal supérieur est la chasteté mais si on ne peut la pratiquer alors il est indispensable de se marier pour vivre en Chrétien et éviter de bruler en enfer.

Le mariage, indissoluble, doit se fonder théoriquement sur le consentement des époux. Cependant, nous le verrons, ce sont toujours les parents qui arrangent les mariages pour en tirer un bénéfice de quelque nature que ce soit.

L’engagement est licite dès la puberté : douze ans pour les filles, quatorze pour les garçons.

L’adultère est condamné comme péché mortel. Le désir et le plaisir sont globalement bridés.

Le baptême

Pour le salut de l’âme, le nouveau-né doit être baptisé dès la naissance. Si un enfant meurt avant d’être baptisé, il ne pourra pas être enterré en terre consacrée et ira en enfer.

La mère alitée est donc tenue à l’écart de ce sacrement qui fait rentrer son enfant dans la vie spirituelle. Symboliquement la mère est arraisonnée du côté de la matière. Eve est pécheresse, ses descendantes enfantent dans la douleur et ne conduisent pas leur progéniture vers Dieu.

Le père est aussi, d’une certaine manière, tenu à l’écart bien que présent. En effet un parrain, père spirituel, est donné à l’enfant. Cette parenté spirituelle est considérée comme plus importante aux yeux de l’Eglise. Et au-dessus des parrains se place le prêtre qui a autorité sur tout le monde. Il est le vrai père représentant de Dieu sur terre.

Si dans la Rome Antique c’est le pater familias qui était le représentant de Jupiter, le père dans l’ère chrétienne est destitué par le Prêtre, père en esprit.

Nous verrons que du point de vue temporel et coutumier le père biologique garde tous ses pouvoirs et pour de nombreux siècles encore.

Condamnation de l’avortement et de l’infanticide,

Éloge de la chasteté et l’abstinence

L’Eglise condamne l’infanticide et prêche un respect absolu de la vie. La valorisation de la chasteté et de l’abstinence vise à un contrôle des naissances.

L’interdiction faite sur le meurtre des nouveaux nés a souvent conduit à une recrudescence des « accidents ». L’enfant mourrait étouffé « involontairement » dans le lit des parents. Tant et si bien que personne ne fait plus confiance au père pour conserver son enfant en vie.

L’Eglise protège même le fœtus et condamne l’avortement qui était pratiqué avec l’usage de poisons, de plantes médicinales, de sauts ou secousses, etc.

Malgré le « croissez et multipliez », l'Église ne favorise pas une politique nataliste. Si la contraception est interdite au sein du couple, la chasteté est recommandée. Le seul moyen de limiter les naissances est l’arrêt des rapports sexuels. Autant dire que cela fonctionne peu.

Une conséquence inattendue de cette rigueur est la recrudescence des abandons.

L’adoption change de nature

L’enseignement chrétien prône une adoption charitable en lieu et place de l’adoption à des fins testimoniales de Rome. Seul l’intérêt de l’enfant est visé et non plus la pérennité d’une famille ou d’un culte des ancêtres.

Comme parallèlement, avec la répression de l’infanticide et le refus de la contraception, les abandons se répandent, l’adoption est valorisée comme une vertu.

Le père a des devoirs devant Dieu et l’Eglise

Même si le père continue à exercer ses pleins pouvoirs sur sa famille, l’enseignement chrétien lui trace des devoirs. Saint Paul dit « le mari est le chef de la femme » mais il précise « Maris aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise ». Les clercs dans leur majorité insistent sur la soumission de la mère. L’époux doit contraindre l’épouse indocile en usant au besoin de châtiment corporel.

Vis-à-vis de ses enfants, il leur doit aliments et soins mais aussi éducation. Il ne doit pas oublier que ses enfants sont avant tout enfants de Dieu. L’enfant n’a aucun droit naturel, il appartient au Créateur.

Ecole et principes éducatifs

Comme tous les pères ne sont pas capables de donner une instruction à leur enfant, les prêtres créent rapidement des écoles et se chargent de l’éducation.

Les religieux se méfient de l’affection envers les enfants et prônent plus un dressage qui vise à contrecarrer les mauvais penchants des enfants. Cependant ils ne s’intéressent pas à l’éducation des trop jeunes enfants. Avant l’âge de raison, nous dit Bossuet (XVIIIème siècle) : « l’enfance est la vie d’une bête ».

Il ya des empreintes qui perduent longtemps !

Nous verrons que la vision de la supériorité de l'homme sur la femme traverse les siècles de notre histoire et pollue encore souvent les insconscients des hommes et des femmes. Il n'est pas rare de rencontrer en rendez-vous de couple des travers hérités du passé lointain de nos ancêtres. Le pariarcat a la vie dure et coince les femmes et les hommes dans des stéréotypes limitant.

La distribution des rôles dans le couple et la famille reste très souvent genrée. Il serait temps d'opérer une déconstrustion de ces shémas qui ne permettent pas de s'épanouir dans une saine relation à soi-même et à son ou sa partenaire.

De même, la sexualité reste souvent peu parlée dans le couple. Même si elle s'affiche partout dans les medias, les publicités, les films et séries, elle reste un impensé et maintenu dans le silence au sein du couple. Ramener la sexualité dans la lumière et pouvoir en parler librement amène une respiration dans le couple. Poser des mots sur nos désirs, nos plaisirs, nos goûts et nos dégoûts ouvre vers une rencontre des corps et les coeurs.


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